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LeukosPokeRP - Une mission qui tourne mal

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27/06/2016 - 29/06/2016 :
Une mission qui tourne mal





- 29/06/2016 -



Alec était assis sur une chaise dans une chambre étroite aux quatre murs d’un blanc immaculé. Ramassé sur lui-même, penché en avant, le regard vide, il tapotait anxieusement les doigts de sa main droite sur son bras gauche emplâtré. Au milieu de la pièce se tenait un lit de la même couleur que les murs. Autour, toute une série de dispositifs médicaux, des appareils électroniques, un baxter, et d’autres outils que le ranger ne connaissait même pas. Même pas… Dans le lit gisait Mathis, un de ses coéquipiers rangers, un de ses collègues et amis. Il avait la tête lourdement bandée, une minerve à son cou, des contusions et coupures à diverses endroits de son corps et, de manière générale, plutôt triste mine. Lui. Le joyeux larron. Il gisait là, les yeux fermés, les cheveux, - ceux qu’on pouvait encore apercevoir malgré les bandages -, décoiffés. Il était immobile.

Et c’était la faute du rouquin. C’était la faute d’Alec.

Alec redressa légèrement la tête et observa le lit et le jeune homme qui reposait sous les draps. Il voulut parler, lui dire quelque chose, exprimer un regret, demander pardon, mais non. Rien ne sortit de sa bouche si ce n’est un vague baragouinage sans queue ni tête. Le rouquin soupira sèchement puis baissa à nouveau la tête. Toute cette situation… La fuite… L’esquive... La clairière… S’éloigner des autres… Tout ça, c’était son idée. C’était sa faute. C’est lui qui lui avait fait ça… Et il était en plus incapable de s’en excuser.

Le ranger affaibli se leva maladroitement de sa chaise en s’appuyant du côté droit sur une béquille. Son pied gauche était plâtré, lui aussi. Il salua d’un air sombre son camarade, puis quitta la pièce, non sans mal. Une fois dans le couloir de l’hôpital, il s’adossa au mur près de la porte de la chambre, immaculé lui-aussi, et poussa un nouveau soupir.

Quelques secondes passèrent avant que Lenny, un collègue ranger qui avait participéà cette mission désastreuse, n’apparaisse au bout du couloir. Il n’était pas seul : Logan Figgs, leur supérieur à tous les deux, l’accompagnait.

- Evans, salua Figgs en arrivant à son niveau.

Alec hocha brièvement la tête en soutenant à peine le regard du mastodonte qui se dressait devant lui. Ce dernier n’ajouta rien, mais plaça une main compatissante sur l’épaule droite du rouquin, avant de pénétrer dans la chambre de Mathis. Lenny, lui, resta dans le couloir, avec Alec. Après quelques instants d’un lourd silence, le rouquin prit la parole :

- Si Figgs vient lui parler, c’est pas la peine, il est pas conscient, indiqua-t-il, les yeux rivés sur le sol. … Puis de toute façon, il ne sait rien de plus que moi.

Il entrevit Lenny hausser les épaules.

- Je ne pense pas que ce soit pour ça. Il voudra sa version des faits à un moment, c’est sûr, mais aujourd’hui il venait simplement lui rendre visite. ...Et peut-être lui remettre un petit quelque chose de Willy, pour l’encourager, hésita Lenny. Figgs ne l’a pas encore vu depuis l’incident. Il a été très occupé, administrativement parlant. Y a visiblement beaucoup de papiers à remplir dans ce genre de… situation.

Lenny leva la tête vers le rouquin, mais celui-ci détourna le regard. Il ne semblait avoir écouté qu’à moitié.

- … Hé, tu sais bien que c’est pas ta faute. T’as donné le maximum, tout le monde le sait, sinon tu serais pas dans cet état-là, ajouta-t-il en désignant le bras et le pied du rouquin. Personne ne t’en veut. Surtout pas Mathis.

Alec sembla piqué au vif par la remarque.

- Comment tu peux le savoir, tu lui as demandé ? lança-t-il sèchement au grand gaillard noir qui se tenait devant lui.

Mathis ne s’était pas réveillé depuis. Lenny ne pouvait pas savoir ce qu’il pensait de l’incident. Personne ne le pouvait… Pour autant que Mathis soit encore en mesure de penser.

- Je le connais bien, c’est pas son genre. Il ne t’en voudrait jamais. Il dira que c’est sa faute, qu’il a pas fait gaffe, que c’est pas grave, que ça arrive ce genre de couille au boulot. Il rigolera, même, assura-t-il avec un léger sourire empli de nostalgie.

Alec garda le silence. Il n’était pas d’accord avec Lenny, mais il n’avait rien de plus à ajouter. Ça ne servait à rien d’argumenter.

- Il est sorti d’affaire, Alec, sa vie n’est plus en danger. Tu le sais, ça, pas vrai ? le rassura Lenny.

- Il ne s’est pas réveillé.

- Ça va venir. Ne t’inquiète pas. Il est pas très grand et pas toujours très futé, mais il a de la force, du courage et beaucoup de volonté. Il s’en remettra sans problème, affirma Lenny d’un ton sans appel.

Sur ces mots, le rouquin se décolla du mur, fit un bref signe de tête en direction de son collègue et s’éloigna en claudicant. Les paroles douces et rassurantes de Lenny, il n’en voulait pas, pas maintenant, pas ici. Il se sentait bien trop coupable pour les accepter.

C’est ainsi qu’il quitta l’hôpital, la mine triste, le corps et l’esprit terriblement meurtris.

À peine sorti du bâtiment, il tomba nez à nez avec une jeep ranger stationnée à l’entrée.  Était-ce l’engin avec lequel Figgs était venu ? Certainement. En tout cas, il n’avait pas conduit le véhicule, puisque ses chauffeurs attendaient sur place. Alec croisa leurs regards et il ne put échapper à la conversation.

- Alec…, murmura une grande brune élancée à la queue de cheval haute, Sofia.

- Toujours en train de dramatiser ? coupa une petite brune au carré plongeant.

Alec parut scandaliser par cette réplique.

- Arrête de te faire du mal, on t’a déjà dit que ce n’était pas ta faute et que personne ne t’en voulait. Personne ne pourrait t’en vouloir, personne n’aurait pu fait mieux. Personne, même, n’a l’autorisation de t’en vouloir, sinon il aura affaire à moi, affirma la petite brune, qui n’était autre que Marion. Et ce n’est pas Mathis qui me contredira, ajouta-t-elle d’un air grave.

Voyant que le regard d’Alec se faisait toujours aussi farouche, elle tenta une autre approche.

- On n’est pas là que pour escorter Figgs. On est venues pour toi aussi.

Sur ces mots, Marion fouilla dans la poche intérieure de sa veste de ranger et en sortit une Pokéball aux couleurs rose et jaune, qu’elle montra au rouquin. Le temps parut se figer pour Alec. Pas… Encore. Non… Non, pas ça ! Il avait l’impression de revivre un moment particulièrement douloureux de son passé.

- C’est une Soin Ball-, voulut expliquer Marion.

- Je sais ce que c’est, coupa Alec en s’emparant de la Ball. S-Sylve… Sylve a déjà dû en utiliser une, avoua-t-il dans un hoquet contenu tout en examinant la Soin Ball.

Marion le regarda intensément, parut réfléchir un instant, puis les invita, lui et Sofia, à aller s’installer sur un des bancs qui longeaient la façade de l’hôpital. Elle voulait discuter et le rouquin s’exécuta à contrecoeur.



- 27/06/2016 -



- Courez ! s’écria Lenny alors que plusieurs liens de lumière se brisaient simultanément sous ses yeux.

Alec, qui se tenait à bonne distance en face de son collègue, décampa. Il ne se le fit pas répéter deux fois.

- On bouge, Sylve ! ordonna-t-il à sa dragonne.

Au moment même où la Minidraco quittait sa position, un rocher s’y abattait.

- Erf, pesta le rouquin. Gaffe !

Des éclats de pierre s’envolèrent dans toutes les directions, mais le ranger, comme sa partenaire, y échappèrent habilement. Ils n’avaient pas suivi un entrainement rigoureux pour rien, ça payait !

- C’est quoi, le plan ? cria Alec au grand blond qui courait à quelques mètres de lui. Mon Capstick est foutu !

Et, en effet, l’appareil que le garçon portait encore au bras gauche était désormais parfaitement inutilisable. Alec, Sylve et les autres rangers sur place avaient subi plusieurs attaques de front lors d’une mission qu’ils menaient en équipe, et l’une d’elles avait endommagé le gadget du rouquin. Il ne pouvait plus l’utiliser pour capturer momentanément des Pokémon et les soumettre à sa volonté. Ni pour communiquer avec ses coéquipiers. Pour l’heure, il courait à vive allure en zigzaguant entre les arbres et en essayant d’éviter au possible les attaques qui les rattrapaient peu à peu.

- Ils sont de toute façon trop puissants et trop nombreux pour nous, encore plus sans matériel opérationnel ! répliqua Ethan, le grand blond. Il faut qu’on appelle des renforts !

- Q-Quels renforts ?! s’interrogea Alec. On est pratiquement tous déjà présents !

Et sur ces mots, le rouquin se jeta au sol en une roulade parfaitement exécutée pour éviter un nouveau rocher. Il mangea un peu de terre au passage.

- P’tin… ! jura-t-il alors qu’il tentait de se relever.

- ‘Cooooooooooooooooooooooooooooooooo ! hurla Sylve qui venait de lancer une attaque Ouragan en espérant ralentir l’ennemi.

Elle donnait à son Partenaire le temps de se relever et de repartir.

- Ça va ? s’inquiéta Ethan qui s’approcha du rouquin pour l’aider.

- O-Ouais… Les autres ? Faut qu’on dégage rapidement de la zone !

Et ils se mirent à nouveau en route au pas de course.

- Marion et Sofia ne répondent plus. Il est probable que leurs Capsticks soient H. S. également. Lenny et Mathis…

- Je suis là ! s’écria ce dernier en surgissant sur la gauche d’Alec.

Lenny ne tarda pas à en faire de même sur la droite d’Ethan.

- … Et Kenzo et Chloé ?! demanda prestement le rouquin en lançant des regards aux deux nouveaux arrivants.

- Ils teamaient ensemble, expliqua Mathis, essouflé. Ils ont peut-être fui par l’autre côté…

- ‘TION !

Ethan, Lenny, Alec et Mathis esquivèrent avec brio le bloc de pierre qui surgissait de l’arrière : les deux premiers effectuèrent une roulade à droite, les deux autres à gauche, et ils prirent tous les quatre refuge derrière les larges troncs des arbres qui bordaient non loin la ville touristique de Lacomire. Alec était essouflé et avait du mal à reprendre sa respiration. Sylve était à peu près dans le même état, comme Mathis et son fidèle Kecleon, Willy.

- On peut pas courir indéfiniment, souligna le petit basé. Faut qu’on réplique, faut qu’on attaque, faut qu’on les prenne de front !

- C’était le plan de base, je te rappelle, tu trouves qu’il a bien fonctionné ? lui lança Alec d’un ton mi-cynique, mi-énervé.

- On fait quoi, alors ?!

- B-Bouge ! s’écria le rouquin en poussant Mathis sur le côté.

Les deux garçons échouèrent dans un fourré et entendirent l’arbre derrière lequel ils s’étaient cachés quelques secondes plus tôt résonner d’un bruit sourd. De nombreuses feuilles, brindilles et branchages chutèrent.

- Qu-... ?

- I-Il a foncé dedans ? s’étonna Alec en se redressant promptement.

Il fit, hardi, le tour du connifère et observa le Pokémon qui venait de se ruer dessus : un Donphan mâle de taille adulte était en train de reprendre, lentement mais sûrement, ses esprits. La bête avait visiblement eu quelques difficultés à modifier sa trajectoire au dernier moment et avait fini dans le tronc de l’arbre de Mathis et Alec. Mais le rouquin ne se faisait pas d’illusion : c’était bien eux qu’il pourchassait.

- On dégage, conclut Alec en se tournant vers Mathis.

- Je peux l’attraper, j’ai encore mon Capst- ! s’interrompit-il.

- Y en a une vingtaine qui suit derrière, t’iras pas loin avec un seul appareil !

Ils reprirent leur course démente et n’eurent pas tort de le faire : ils entendirent, en bruit de fond, l’arbre que le Donphan avait chargé craquer et tomber lourdement au sol, emportant avec lui quelques arbres voisins. Branches et feuilles dans la figure, racines manquant de les faire chuter au sol, les deux compères s’éloignèrent quelque peu de la direction qu’ils avaient choisi de suivre et perdirent de vue Ethan et Lenny. Mais ça n’importait pas réellement : il fallait juste qu’ils fuient le plus loin possible de ce troupeau de Donphan qu’ils venaient d’énerver.

La mission était simple sur le papier. Il suffisait de faire migrer ce gros troupeau de Donphan et Phanpy vers le sud de la zone de Riveflot, parce qu’ils avaient engagé des rixes avec un groupe de chasse de Scalpion, mené par un Scalproie des plus irascibles. Il avait été décidé que ce serait les Donphan qui migreraient, et qu’un groupe de rangers les encadrerait sur toute la durée de la procédure. Le troupeau comptait en effet de nombreux individus, et les rangers ne pouvaient pas risquer que l’un ou l’autre se perde dans la ville. C’est qu’ils avaient la force de mettre à terre des maisons, ces puissants mammifères. C’est là qu’intervenaient les rangers et leurs Capsticks. Ces derniers avaient été utilisés de façon stratégique sur les mâles dominants du groupe : s’ils venaient à suivre les rangers, les autres individus du troupeau feraient de même sans même oser remettre en question leur migration. Cette méthode permettait à un corps réduit de rangers de déplacer de larges populations de Pokémon. Oui mais voilà. Les rangers chargés de cette mission, à savoir une bonne partie de ceux en station à Riveflot, ne pouvaient pas deviner qu’un Capstick, certainement le plus important, leur ferait faux bond : celui qui contrôlait justement le mâle aux plus grandes défenses du troupeau, l’alpha, le leader. Dès que ce Donphan-là s’était rebellé contre les rangers et leur déplacement organisé, les individus non soumis au pouvoir des Capsticks s’étaient rangés à son avis et avaient commencé à charger les humains qui les accompagnaient. Capstick brisé sur Capstick brisé, les autres mâles ne tardèrent pas à se libérer de leurs liens invisibles.

Bientôt, Alec et Mathis débouchèrent sur une petite clairière bordée d’arbres clairsemés.

- Sylve, tu restes près de moi, insista le ranger en marquant l’arrêt.

Il promenait son regard dans toutes les directions, visiblement désorienté, et scrutait en même temps le ciel et surtout l’emplacement du soleil.

- J’ai reçu un message des autres, annonça soudainement Mathis, les yeux fixés sur son Capstick. Ils se sont réfugiés près de la rivère, dans la zone d’à-côté. Lenny, Ethan, Sofia… Marion… Chloé et Kenzo, marmonna-t-il, oui, ils sont tous là, il ne manque plus que nous deux ! s’écria-t-il. Alec !

- La rivière…, réfléchit le rouquin, qui tentait toujours de s’orienter.

- Les Donphan sont de type sol, c’est bien vu ! se réjouit Mathis. Ils oseront pas nous poursuivre de l’autre côté.

Alec hocha la tête. Il comprenait leur plan. C’était à coup sûr une idée du brillant Ethan. Reste qu’ils auraient toujours sur les bras un troupeau entier de Donphan maintenant perdus dans une partie du continent qu’ils ne connaissaient pas. Ils ne manqueraient pas de déranger d’autres Pokémon que des Scalpion et des Scalproie. Mais ce n’était pas le moment de songer à cela. La priorité, c’était la sécurité des membres rangers engagés sur le terrain : une fois à l’abri et rééquipés, ils réfléchiraient à une mission de récupération.

- Le soleil va par là, finit par dire Alec en pointant son index vers le ciel. L’Est est donc de ce côté, grouillons-nous !

- Eh, j’aurais bien pu le dire, j’ai toujours mon Capst-

Trop tard. Leur pause dans cette clairière avait visiblement duré un peu trop longtemps. Alec entendit un sifflement, puis le bruit sourd d’un impact, et enfin il vit le corps de son coéquipier s’étaler de tout son long sur le sol.

- Math- !

Alors qu’il faisait un mouvement pour rejoindre son allié, le Kecleon de Mathis, Willy, et la Minidraco d’Alec, Sylve, le dépassèrent pour s’attaquer à l’ennemi qui les avait surpris : le Donphan, - ou un des Donphan, Alec n’aurait su le dire -, qui les poursuivait depuis tout à l’heure.

- Sylve ! s’interrompit Alec, qui ne savait où donner de la tête.

La Minidraco avait spontanément lancé Draco-Rage, rien qui puisse réellement inquiéter le Donphan, mais une offensive suffisante pour le tenir quelques secondes à distance. Willy l’avait soutenue en lançant “Étonnement”, dans le même but, celui d’éloigner la cible de leurs partenaires.

Entretemps, Alec avait fait son choix : il s’était rué vers le corps inanimé de Mathis et, plutôt que de lui administrer les premiers secours, il le secouait comme un prunier. Il faut dire qu’il n’avait pas franchement le temps de lui passer de la pommade et de lui nouer de jolis bandages, il fallait qu’ils déguerpissent, et rapidement.

- ‘tin, me lâche pas, vieux, reprends-toi ! Mathis ! MATHIS ! Merde, debout ! Lève-toi !

Un fragment de pierre qu’avait éjecté le Donphan lors de son arrivée dans la clairière avait visiblement heurté le garçon en haut de la nuque. Alec ne se rendit compte qu’après quelques secondes qu’il était touché et qu’il saignait abondamment. Il ne se réveillerait certainement pas tout de suite. Pris de panique, le rouquin inspira et expira une bonne fois avant d’enfouir la main dans son sac, d’y attraper quelques bandages blancs et de bander de façon rudimentaire la tête de Mathis. À peine eût-il terminé que l’endroit d’où s’écoulait le sang avait déjà tôt fait de tremper de rouge la bande blanche fraîchement placée.

- Put- !

Il oublia les premiers soins et entreprit de faire monter son coéquipier sur son dos. Il eût été préférable pour lui d’être davantage sur ses gardes : au moment où il hissait Mathis sur son épaule, un Phanpy pas peureux pour un sou, - il était certainement mis en confiance par les Donphan qui l’accompagnaient et encerclaient à présent la clairière -, chargea Alec à l’aide d’une attaque “Bélier” et lui broya le bras gauche. Autant dire que le ranger eut beaucoup de chance qu’un Phanpy, plutôt qu’un Donphan, le choisisse pour cible à cet instant précis. Il n’empêche qu’Alec laissa échapper un hurlement de douleur et laissa glisser son ami, qui retomba sur le sol. Le cri du ranger blessé alarma le Kecleon qui, abandonnant toute concentration pour se tourner vers son partenaire inconscient, se prit de plein fouet l’attaque “Koud’Korne” du Donphan enragé. La défense du Pokémon traversa de part en part le malheureux Kecleon. Ce fût la dernière fois que Willy partit en mission avec Mathis et les rangers.

Sylve était désorientée, perdue. Elle n’avait pas les capacités pour lutter contre ce Donphan, encore moins contre le reste du troupeau. Son partenaire était blessé, celui de Willy était inconscient. Et Willy… Elle était désemparée. Elle espérait que, d’un côté ou d’un autre de la clairière, les rangers qui les accompagnaient au début surgiraient pour les aider. Mais comment… ? Ils n’avaient pas réussi à appréhender les Donphan tous ensemble, alors avec un membre de moins… Ne sachant que faire, la petite dragonne se jeta à corps perdu sur le Donphan qui avait achevé le Kecleon et s’enroula habilement, en une attaque “Ligotage”, autour de la défense ensanglantée. Elle n’espérait qu’une chose : que le Pokémon soit trop occupé à se débarasser d’elle pour penser à attaquer son partenaire.

La douleur lui brouillait l’esprit et la vue également, partiellement du moins. Il avait l’impression d’avoir entendu, et senti, chaque os composant son bras gauche craquer et se rompre sous la violence de l’impact. Il saignait aussi. Beaucoup ? Il n’arrivait pas à l’évaluer. Il ne savait pas si c’était grave et il ne voulait pas le savoir, pas maintenant. Ils n’étaient pas encore, pas du tout, sortis d’affaire. Mathis… Il fallait qu’il le porte… Non, il n’en était pas capable. Alors le tirer. Le tirer. Il saisit le col du ranger inconscient de son bras valide, se redressa difficilement, et entreprit de tirer son compagnon vers des fourrés à proximité. C’était sans compter sur la nouvelle charge du petit Phanpy. Cette fois, Alec eût le réflexe de stopper l’impact de son pied gauche. Conséquence : il reçut moins de dommages, mais il sentit tout de même les os de ses orteils se briser et fut déséquilibré. Il chuta sur le dos, mais l’herbe amortit sa chute.

“C’est un jeu”, pensa-t-il. “C’est un putain de jeu pour eux”. Le rouquin, de son superbe point de vue actuel, pouvait observer le comportement des Donphan et autres Phanpy qui les encerclaient. Ils n’avançaient pas. Pas les plus gros en tout cas. Non, seulement plusieurs Phanpy se détachaient du groupe et cherchaient la meilleure approche, le meilleur angle pour charger Alec et Mathis. Ils… Ils entrainaient leur progéniture à quoi… ? À chasser ? À lutter contre les humains ? À… À se défendre contre un envahisseur étranger, tout simplement ? Alec ne savait que penser. Il avait de la chance, d’une certaine façon. Il n’aurait pas fait long feu contre la charge d’un Donphan adulte.

Et maintenant ? Se relever et continuer. Continuer à tirer Mathis en sûreté. Alec se demanda combien de temps ces Pokémon joueraient avec lui, avec eux. Combien de temps avant qu’ils soient satisfaits et s’en aillent après les avoir laissés à l’état de bouillie humaine. Non, finalement, il préférait ne pas y songer.

- Alleeeez, s’encouragea-t-il en hissant Mathis, toujours inconscient, à son niveau.

Ce faisant, son regard tomba sur le Capstick encore en état du garçon. Il était attaché à son poignet droit. … L’utiliser ? Sur lequel des mâles ? Il ne pensait pas qu’en contrôler un seul suffirait à calmer les autres. ... Alors… Envoyer un message de détresse ? C’était la seule chose à faire. Même si Alec ne doutait pas que les autres avaient déjà alerté la base et demandé des renforts. Il tendit fébrilement le bras droit et tapota deux ou trois fois l’écran. Voilà. S.O.S. envoyé. Fallait espérer qu’ils arrivent à temps, maintenant. Mais voilà que d’autres Phanpy approchaient.

- Saletés…, pesta le rouquin.

Au même moment, un “‘Coooo !” retentissant résonna sur sa droite et une forme bleue et rouge traversa le ciel au-dessus de lui et Mathis pour venir s’écraser de l’autre côté, écartant momentanément le petit groupe de Phanpy.

- S-SYLVE ! s’écria Alec, alarmé.

La dragonne avait fini par être éjectée de la défense du Donphan, rendue particulièrement glissante par le sang de Willy. Son vol plané avait au moins eu le mérite de l’éloigner du puissant mâle auquel elle s’était attaqué. Mais ses prochaines cibles seraient très certainement Alec et Mathis, à présent.

- ‘Cooo…, murmura-t-elle en rampant vers Alec.

- Fuis, Sylve, dégage ! DÉGAGE, JE TE DIS ! Je saurais pas bouger Sylve, pas avec lui, bouge… BOUGE !

Mais la Minidraco n’écoutait rien et s’approchait, lentement mais sûrement, de son Partenaire.

- Tu peux pas m’aider, Sylve, tu peux pas, fuis, va-t’en, p-pars… ! Tu p-peux pas, ç-ça sert à rien que tu… D-Dégage, se mit-il à sangloter. O-On n’est pas obligé d’y passer tous les deux, fuis tant que tu le peux… S-SYLVE ! O-Obéis… O-Obéis-moi…, suppliait-il, S-Sylve !

La dragonne arriva enfin à son niveau, à portée du toucher, même si le rouquin ne pouvait plus se servir de son bras gauche.

- Qu-Qu’est-ce que tu me f-fais… S-Sylve… Je t’ai d-dit de… p-partir, laisse-moi, laisse-nous là… Je saurais pas… P-Pas fuir.

Un bruit de pattes grattant le sol alerta le ranger, qui tourna avec difficulté la tête sur sa droite. Le Donphan. Il s’apprêtait à charger.

Dans un dernier effort, Alec poussa sur ses jambes et se redressa à moitié dans un grand cri de rage. Son pied gauche lui faisait mal et il manquait cruellement d’équilibre. Il agrippa le col de Mathis et se mit à tirer de toutes ses forces, comme un boeuf. Non. Non… Non, il n’y arriverait pas. Il n’aurait pas le temps. Ni lui de s’écarter de la trajectoire de charge, ni de sauver son ami, qui se ferait piétiner avec lui… Avec lui et sa Minidraco.

- D-Dégage… S-Sylve… P-Pitié, v-va-t’en, insista-t-il une dernière fois en regardant son Pokémon.

Mais ce dernier coup d’oeil l’éblouit. Un halo immaculé des plus étincelants entourait à l’instant ce qu’il pensait bien être son Pokémon Partenaire. Alec ne put que fermer prestement les yeux pour ne pas être totalement aveuglé. Quand il les rouvrit, Sylve était toujours bien là, exactement au même endroit. Mais ce n’était plus exactement Sylve. Elle était plus grande, plus longue. Beaucoup plus. Elle faisait plusieurs mètres maintenant… Combien ? Trois ? Quatre ? Cinq mètres ? Et surtout, elle avait l’air plus forte. Bien plus forte. Seule son aile droite atrophiée assurait au rouquin que c’était bien elle. Ça, ainsi que toute l’intelligence, l’amour et la détermination qui brillaient dans son regard.

- S-Sylve… ?

Le temps que les yeux d’Alec s’acclimate à nouveau, Sylve, qui avait évolué en une magnifique Draco, esquiva avec “Hâte” le rouquin et son coéquipier pour réapparaitre, menaçante, devant le Donphan. Avant que ce dernier n’entame sa charge, - qu’il avait suspendue en apercevant l’halo de lumière -, la Draco fit violemment voltiger sa queue, à la longueur pour le moins impressionnante, sur le flanc non protégé du Pokémon sauvage. Ce dernier dérapa sous la violence de l’impact, chancella, puis fut entrainé au sol par son poids.

- S-Souplesse…, murmura Alec, qui pensait avoir reconnu cette attaque que la Sylve Minidraco connaissait.

Mais quelque chose dans la violence de l’offensive, dans le regard à présent apeuré du Donphan, fit hésiter Alec : serait-ce une nouvelle attaque ?

Le mâle ne demanda en tout cas pas son reste. Après s’être redressé avec grande difficulté, il recula sensiblement et finit par disparaitre entre les arbres. … Est-ce qu’ils avaient… gagné ?

La joie qui naquit momentanément dans le coeur d’Alec se dissipa presque aussitôt : à l’endroit où le mâle avait fui surgit un autre Donphan. Un Donphan bien plus gros, aux défenses bien plus longues et au regard encore bien plus farouche. Maintenant qu’il le voyait à nouveau, Alec en était sûr : c’était bien celui-là, l’alpha. Si Sylve avait pu faire fuir l’autre, il n’en était rien pour celui-ci. Le plus inquiétant était certainement que les Phanpy s’étaient à présent retirés derrière les Donphans qui clôturaient la clairière, et que ces derniers s’avançaient maintenant vers Alec et Mathis. Sylve devait représenter une menace suffisante pour qu’ils se décident à mettre un terme à la partie éducative de la chasse à l’homme.

- Sylve ! hurla Alec pour la prévenir du danger.

Il ne savait pas ce qu’il pouvait faire pour aider. Il venait de Lacomire, alors bien sûr qu’il connaissait les Draco, il en avait déjà vus, mais ça ne l’aidait pas à en appréhender les éventuelles nouvelles attaques. Et puis qu’est-ce qu’un Draco valait contre une horde de Donphan en rage ?

- L’eau…, pensa Alec.

Sylve pouvait maitriser l’eau. Mais ils étaient encore loin de la rivière où les attendaient les autres rangers. Ils ne sauraient pas l’atteindre pour mener ce combat. Alors comment… Comment les vaincre ?

À vrai dire, Alec n’eût aucun rôle à jouer dans la fin de cette aventure. Ni dans son propre sauvetage, ni dans le combat que dût mener Sylve. Dès que le leader Donphan eût invité son troupeau à charger, tout se passa très vite. La Draco se jeta sur le mâle dominant, qui était le danger le plus imminent pour Alec et Mathis, et se donna à fond dans un duel qui était loin d’être gagné d’avance. Elle n’en sortit d’ailleurs pas tout à fait indemne. Quant aux autres Donphan…

- ULTRALASER !

C’est à peu près à ce moment-là que le rouquin tourna de l’oeil. Il s’affaissa complètement, laissant la tête de Mathis heurter une nouvelle fois le sol, puis s’écroula près de lui, l’air hagard, la tête inclinée vers l’arrière, juste assez pour voir d’où provenait l’attaque dévastatrice qui installa le chaos dans les rangs des Donphan. C’était… Un Tyranocif. Le Tyranocif de… La silhouette humaine qui se tenait à côté du grand Pokémon devint évidente aux yeux d’Alec : Logan Figgs, le Ranger en Chef de la Base de Riveflot.



- 29/06/2016 -



- Tu ne te souviens de rien après ça, c’est exact ? lui demanda Marion d’un ton calme.

Le rouquin secoua la tête négativement. Pendant toute la durée du récit, qu’ils avaient abordé en discutant de l’état de Sylve, Alec avait gardé son regard rivé sur la Soin Ball. Sylve… Évoluée… Mais tout de même condamnée à passer plusieurs jours, - semaines ? -, dans une ball destinée à lui prodiguer des soins réguliers et à maintenir son état de santé. … Encore une fois. Parce qu’il n’avait pas su la protéger. Ni elle, ni Mathis. Cette fois dans un contexte encore plus dangereux, plus critique.

- On a prévenu Figgs avec un Capstick qui fonctionnait encore, et il a déboulé en moins de deux avec des renforts et du nouveau matos pour nous, expliqua Sofia.

- Quand son Tyranocif a mis en déroute les Donphan les plus faibles et craintifs, on en a profité pour s’attaquer aux mâles et les capturer avec les Capsticks apportés par Figgs. Figgs… Il s’est occupé personnellement du Donphan alpha avec son Pokémon Partenaire. Il l’a bien affaibli, puis s’est à son tour servi de son Capstick pour le soumettre complètement et achever la migration du troupeau, enchaîna Marion.

- Sylve avait déjà bien amoché son adversaire, assura Sofia. Mais elle a pris quelques sales coups aussi… C’est pour ça, euh…, la Soin Ball, ajouta-t-elle pour revenir sur le sujet.

- Vous avez eu de la chance de vous en sortir, tous les trois, avoua Marion. Willy le Kecleon a été moins chanceux… On lui rend hommage demain, d’ailleurs, il y aura une petite cérémonie à la base.

Alec se figea. W-Willy. Willy le Kecleon. Le Pokémon Partenaire de Mathis. Il avait… Il était… Comment avait-il pu… ? Que… ? Comment avait-il pu l’oublier ? L’incident… C’était il y a deux jours et Marion, juste maintenant, venait de lui apprendre, - de lui rappeler ? Le savait-il seulement déjà ? -, qu’un Pokémon Partenaire était tombé au combat ?! Il se souvenait maintenant que Lenny aussi l’avait mentionné, devant la chambre de Mathis à l’hôpital.

- W-Willy…, marmonna Alec, l’air horrifié, le regard toujours fixé sur la Soin Ball.

Ça aurait pu être Sylve à sa place. Ils avaient perdu un Pokémon Partenaire. Parce qu’ils avaient foiré la mission. Il avait foiré la mission. Et il avait manqué de faire tuer Mathis et Sylve également. Mais Willy, lui, lui… Lui, il était bel et bien mort. Mort au combat. Mort en service. Mort pour la cause des rangers.

Le visage d’Alec se ferma davantage. Il aurait voulu pleurer. Mais il n’y arrivait pas. Pas là, pas maintenant, pas avec Sofia et Marion à côté. Il voulait… Il voulait être seul.

Il se leva du banc tant bien que mal, la béquille sous l’épaule droite. Les deux filles le regardaient d’un air interdit. Il tendit comme il le put la Soin Ball à Marion :

- Garde-la un moment pour moi, s’il te plaît… Je… J’ai besoin de… De m’isoler.

Marion ne discuta pas, hocha la tête et récupéra la ball qui contenait Sylve. Les deux rangers restèrent impuissantes, là, assises sur le banc, à regarder le rouquin s’éloigner d’elles et prendre le chemin en direction du lac, claudicant comme un estropié. Sofia lança un coup d’oeil à la bâtisse qui s’élevait derrière elles, là où on soignait Mathis. En grandes et massives lettres d’argent s’étalait sur la façade le nom suivant : “Grand hôpital de Lacomire”.
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Suite de l'histoire d'Alec et Sylve avec ce texte ô combien important ! Les deux personnages grandissent dans cette aventure :) J'espère que vous prendrez du plaisir à la liiiire ! <3
© 2016 - 2024 lunahaya
Comments6
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Waffuru-Senpai's avatar
Tu... Tu m'énerves à me faire pleurer avec tes histoires, là... Pauvre Alec, et ses coéquipiers ;w;
Mais c'est super que Sylve ait évolué !